Santé mentale au travail : une stabilisation fragile au cœur de l’année de la grande cause nationale

Alors que 2025 a été proclamée grande cause nationale pour la santé mentale, une nouvelle enquête signée Empreinte Humaine et réalisée par OpinionWay vient tirer la sonnette d’alarme : derrière une apparente stabilisation des indicateurs, le mal-être psychologique reste solidement ancré dans le quotidien professionnel des salariés français.

Menée entre fin février et mi-mars auprès de 2 030 salariés, cette étude dresse un état des lieux aussi précis qu’inquiétant de la santé mentale au travail.

Un malaise qui persiste, malgré quelques indicateurs positifs

Premier constat : si certains indicateurs de détresse psychologique tendent à s’améliorer légèrement, ils demeurent à des niveaux préoccupants. Près d’un salarié sur deux souffre de détresse psychologique modérée. Quant à la détresse psychologique élevée – celle qui cumule des symptômes de dépression et d’épuisement – elle touche encore 13 % des salariés. C’est certes une baisse de deux points par rapport à juin 2024, mais cela reste un chiffre significatif.

Près d’un tiers des salariés (31 %) présente un risque de subir un burn out, et parmi eux, 10 % ont un risque de burn out sévère. Là aussi, le chiffre est stable, mais élevé. La dépression, de son côté, menace plus d’un tiers des répondants, un indicateur en légère hausse.

L’organisation du travail en question

Derrière ces chiffres, une réalité émerge : ce ne sont pas uniquement les bouleversements géopolitiques ou sociétaux qui pèsent sur le moral des salariés, mais bien les conditions de travail elles-mêmes.

Faut-il incriminer le monde VICA — ce monde Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu — que 9 salariés sur 10 disent ressentir ? Peut-être. Mais la source du malaise est ailleurs.

Le baromètre le dit clairement : le facteur clé, c’est le climat de travail. Là où la sécurité psychologique — climat de confiance qui permet aux collaborateurs de s’exprimer, partager librement leurs idées, leurs préoccupations — est faible, près de 6 salariés sur 10 sont en détresse. Là où elle est forte ? Le taux tombe à 37 %. Un écart qui en dit long sur la puissance protectrice d’un environnement sain et qui démontre à quel point l’atmosphère interne à l’entreprise peut jouer un rôle de catalyseur ou, au contraire, de protection.

Les salariés évoluant dans un climat de sécurité psychologique faible sont 1,5 fois plus susceptibles de souffrir de détresse psychologique que ceux bénéficiant d’un climat élevé.

Pourtant, 44 % des personnes interrogées estiment que leur employeur considère la santé psychologique aussi importante que la productivité ; ils sont 35 % à juger que la communication sur ces sujets au sein de l’entreprise est adéquate et 33 % à percevoir un réel engagement de leur direction en matière de prévention du stress.

Un monde du travail de plus en plus individualiste

S’il fallait incarner le mal-être actuel, ce serait peut-être lui : la montée de l’individualisme.  Six salariés sur dix le perçoivent en progression dans leur quotidien professionnel. Et cette perception n’est pas sans conséquence : elle multiplie par 1,6 le risque de détresse psychologique.

En cause ? Le manque de reconnaissance collective pour 44 % des salariés, la pression sur la performance individuelle (39 %), et la compétition entre collègues (30 %).

Le télétravail et la distanciation physique ne sont cités que par une minorité (13 %) comme facteurs aggravants.

Managers et RH : les oubliés

Souvent considérés comme des relais de prévention, les managers et les responsables des ressources humaines sont eux aussi durement touchés. Sept managers sur dix estiment que la gestion des difficultés psychologiques de leurs équipes prend une place croissante dans leur quotidien. Dans ce contexte, la moitié d’entre eux (51 %) se disent eux-mêmes en détresse psychologique.

Chez les responsables RH, le constat est tout aussi préoccupant. 36 % sont en détresse psychologique, dont 15 % en détresse élevée.

La majorité d’entre eux (87%) déclarent fonctionner en mode « réaction », répondant aux urgences plutôt que d’anticiper, faute souvent de temps, de moyens ou de vision stratégique.

Un écart de perception entre professionnels RH et salariés

L’étude révèle enfin un écart frappant entre la perception des actions de prévention par les RH et celle des salariés. 76 % des RH pensent que la prévention est une priorité stratégique de leur entreprise, contre 39 % des salariés.

Quand 74 % des responsables RH affirment que leur entreprise a mis en place des mesures de prévention, seuls 35 % des salariés le confirment. De même, les RH attribuent une note moyenne de 6,5 sur 10 à ces actions, contre 4,9 sur 10 pour les salariés.

Même divergence sur la reconnaissance de la santé mentale comme priorité stratégique : 76 % des RH y croient, contre seulement 39 % des salariés.

Climat de sécurité psychologique, reconnaissance, réduction de l’individualisme et soutien renforcé des managers et RH apparaissent comme des leviers majeurs pour inverser durablement la tendance et s’orienter vers une meilleure santé mentale des salariés.

Si 2025 veut être à la hauteur de sa promesse de grande cause nationale, la prévention, doit devenir un pilier central de la stratégie des entreprises.

Partager
Retour en haut